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Le direct Haiti Inter, l'expérience musicale
De passage à Paris ce samedi 23 novembre, la chanteuse haïtienne Darline Desca nous a accordé un entretien exclusif. L’occasion de revenir sur son parcours, ses inspirations, ses combats et son regard sur la situation de son pays natal, Haïti.
Darline Desca, dont la carrière musicale débute en 2009 avec le single “Ou Brase M”, a fait un long chemin. Quantre ans plus tard, elle sort son premier album, un tournant dans sa carrière. Pourtant, son ascension ne fut pas aisée. Issue d’un quartier défavorisé de Port-au-Prince, l’artiste a grandi dans un contexte difficile. Sa mère, presque analphabète, a lutté pour subvenir aux besoins de sa famille, tandis qu’elle ne rencontre son père qu’à l’âge de 10 ans.
Enfant, Darline chantait déjà dans son école, son quartier et lors d’événements culturels comme “Ayiti Deploge”. Elle révèle avoir toujours rêvé d’être sur scène. Ses premiers pas dans la musique se sont faits modestement, en chantant dans des restaurants et night-clubs de Port-au-Prince.
Mais sa vie a été marquée par des épreuves personnelles lourdes. Adolescente, elle a été victime de violences sexuelles. Pour échapper à cette situation, elle quitte le foyer maternel pour vivre dans un pensionnat tenu par des religieuses qui l’ont encadrée et éduquée. “J’ai dû faire très tôt un choix pour ma vie. J’ai souffert émotionnellement et mentalement”, confie-t-elle.
Les influences musicales de Darline Desca sont éclectiques et marquées par des artistes telles qu’Emeline Michel, Carole Demesmin, Toto Bissainthe et Ella Fitzgerald. C’est d’ailleurs auprès de cette dernière qu’elle puise sa touche jazzy. Mais rapidement, elle comprend que le jazz seul ne suffit pas à atteindre un public plus large en Haïti.
“Je me suis rendu compte très vite que si je continue à chanter du jazz, je ne vais pas pouvoir vivre de ma musique… parce que si je fais une musique et qu’il n’y a que moi et quelques personnes qui l’écoutent, c’est comme de la masturbation”, déclare-t-elle avec franchise.
Elle décide alors de changer de registre pour une musique plus populaire, intégrant des influences afrobeat et caribéennes. “Aujourd’hui le public demande autre chose que la façon dont on faisait la musique avant. J’ai changé mon registre, et ça a marché.”
Malgré les critiques sur son virage artistique, la chanteuse assume pleinement ses choix : “J’ai utilisé mon charme et ma féminité dans ma musique, mais jamais je n’irais vers la vulgarité.” Son credo ? “Être sexy mais pas vulgaire.”
Darline Desca n’est pas seulement une chanteuse. Elle s’investit également dans des causes sociales, notamment pour soutenir les plus démunis en Haïti. Elle a organisé une levée de fonds pour l’hôpital public Isaïe Jeanty, où elle est née, situé à Cité Soleil. Malheureusement, cet hôpital a dû fermer en raison de l’insécurité qui gangrène la zone.
Elle ne cache pas son désarroi face à la situation chaotique de son pays : “Je ne peux pas croire que les Haïtiens détestent à ce point leur pays. Pourquoi des armes continuent d’entrer dans le pays ? Qui arme ces gangs ?” Au moment de l’interview, Darline Desca était bloquée à l’étranger, incapable de rentrer en Haïti, faute de vols disponibles en raison de la crise sécuritaire.
Malgré les défis, Darline Desca reste optimiste et continue de rêver grand. “Mon rêve est grand et je ne me donne pas de limite.” Soutenue dans ses débuts par des artistes comme Fabrice Rouzier et Keke Belizaire, elle ne manque jamais de leur rendre hommage.
Avec une carrière qui continue de prospérer et un engagement indéfectible envers son pays, Darline Desca prouve que, même dans l’adversité, il est possible de transformer ses rêves en réalité.
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L’interview vidéo:
Écrit par Haïti Inter
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Jonathan MARCELLUS on 28 novembre 2024
Le changement de registre avec DD m’a profondément chamboulé, parce que dans ses chansons, j’avais retrouvé des figures emblématiques comme Toto ou Emiline. Quand elle a choisi de faire ce changement, j’étais encore gamin. Je ne comprenais pas, et je l’ai détestée. Je refusais même de l’écouter, malgré la qualité indéniable de ce qu’elle produisait. À mes yeux, elle n’avait pas de ligne directrice, et je me disais que je ne pouvais pas suivre quelqu’un comme elle, car quand j’aime, j’aime de tout mon cœur.
Ce qu’il y a de plus bizarre dans cette histoire, c’est qu’à cet âge, je ne pouvais même pas acheter ses musiques ni aller à Yanvalou pour la voir performer. Il me fallait une vraie raison. « Face à Face » m’a redonné espoir en elle, et mon amour pour Darline n’a fait que grandir. Aujourd’hui, je peux acheter ses musiques et les écouter sur ma plateforme de streaming préférée.
La leçon que je tire de cette expérience, c’est qu’on doit être le maître de son destin, pas les autres ni les « on-dit ». « At the end of the day, se ou menm kap gen pou fè fas ak karyè w, apati de objektif ou yo. » Aprann viv lavi w paske on n’a qu’une seule vie.
Elle continue aujourd’hui de me faire vibrer et nourrit le mélomane qui sommeille en moi.