Né
dans la localité de Quartier Morin au Cap-Haïtien, Paul Eugène Magloire fut élu
en octobre 1950 à la Magistrature Suprême d’Haïti. Bénéficiant de l’héritage de la bonne
gouvernance du pouvoir de Dumarsais Estimé, il mit en place ‒ pour tenir le cap
‒ un plan quinquennal de développement consistant à ériger des routes, des
drainages, des écoles, des hôpitaux et même des barrages dont
« Péligre » qui lui valut la très élogieuse chanson « Musique pour Péligre et Paul Eugene Magloire »
de Dodof Legros comme hommage.
D’arrache-pied, Port-au-Prince, avec le Bicentenaire, devenait un centre d’attraction de premier choix pour le tourisme mondial aux côtés de Mexico et la Havane dans la région. Cependant, les programmes de Magloire n’étaient pas au bénéfice de toute la population. En conséquence, des voix s’élevaient contre lui. En réaction, il recourait à des méthodes de répression outre mesure. Notamment, lorsque les propriétaires de magasins de la Grand-rue observaient des grèves. Il se rendait en personnes sur les lieux et c’en était fini de la grève.
A
chaque mouvement de revendications, Magloire s’habillait en « Kanson fè » ‒ ce qui lui devenait
un surnom ‒ pour réprimer les opposants. Nonobstant, ceci n’était jamais un
caillou dans le soulier du président ‒ dont l’entourage vulgarisait le slogan
« Toulejou m sou ! Mwen se
Whisky m bwè » ‒ quand il fallait se mettre au pas.
Sur
le Bicentenaire, à chaque Noël, la Première Dame, Yolette Leconte Magloire,
organisait la soirée de « La Foire Aux Etoiles » afin de récolter des
fonds pour des œuvres sociales. L’Ensemble
au Calebasse de Nemours Jean-Baptiste balançait les sons cuivrés du Konpa Dirèk encore en gestation. Magloire,
emballé, décida à un certain moment d’exercer son talent de danseur avec les dames,
épouses des Hauts-gradés de l’armée, qui entouraient Madame Magloire. Des pas
proches de la contredanse nourris par la jubilation et la volupté qui
survolaient tout le Bicentenaire, lui comme ses cavalières n’avaient pas les
pieds sur terre. À un certain moment, répétitivement, il attirait la dame et la
matait contre son ventre, et revenait en arrière. Et là, on entendait les
militaires époux, voix d’intonation complaisante, clamer en chœur :
« Ba yo Prezidan ! Ba yo ! ».
Les spectacles de ce genre, Magloire ne s’en lassait jamais, que ce soit à Mahotière, dans la commune de Carrefour, chez un ami qui s’appellerait « Jeanty » où Achille Paris alias « Ti Paris » aurait débuté sa carrière, ou à Cabane Choucoune, Cathédrale de la musique haïtienne à l’époque. Depuis le « Morne Canapé-Vert », une fois qu’on entendait la sirène du cortège présidentiel, quel que soit l’orchestre qui performait, il fallait exécuter « Men djab la », chanson fétiche de l’homme au « kanson fè ». Et ce dernier, depuis l’entrée du club, arrivait en dansant une porteuse d’offrande dans les cérémonies liturgiques des fêtes patronales.
En
bref, il faut comprendre qu’avec Magloire au Palais National, sans interférence
problématique, la culture et la politique était intimement conglomérée. À telle
enseigne, un théâtre fut implanté au beau milieu du Caserne de Dessalines. Malheureusement,
après avoir manifesté ses velléités d’amender la constitution afin de briguer
un second mandat, la colère populaire se soulevait contre lui et le contraignit
de remettre le pouvoir à Nemours
Pierre-Louis, président du Tribunal de Cassation à l’époque. À ce moment, la musique
haïtienne notamment perdait un « mécène » que la dictature des
Duvalier allait en intensifier le regret.
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