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Voyages pour égorger la nuit

micRichardson Augustetoday30 mai 2025 9

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    Voyages pour égorger la nuit Richardson Auguste


Partout dans le vent
je m’en vais
comme une fissure
comme un résidu d’espoirs
parce que de mon île la terre enfante trop de ciels à genoux
de ma ville
archipel noyé de vides
les cailloux n’embrassent que d’étoiles gourmandes

Tout voyage
est un cahier encré de cris
un chant d’amours crevées
qui marche
en diagonal vers le soleil

Tout voyage est une marée de verbes flottants
de mots-miroirs
verticale
au bout du silence

Je nage debout aux flots des carnages
pour ne pas partir
loin de moi
et je pars de mille lieues de mon corps
sans vouloir y mourir

Poème assiégé de douleurs
le cri des horloges est plus lourd
que ma ville
temps trempé de rumeurs
les vagues chantent le voyage à l’envers
et l’on se demande tous
comment ne pas tourner en soi comme une porte endiablée
pour revendiquer sa part
de saison
comment ne pas vomir les écumes de la nuit
pour être ce baiser
que l’aube veut habiter

Si le jour porte les affres des instants débridés
C’est que la nuit vomit nos corps
en bagasse
Si la fumée éclot de bout en bout sur le trottoir
c’est qu’on étrangle
la lumière
au quatre coins du voyage

Collines
Colliers
Éperviers et palmiers
tout pleure autour de moi
comme un fleuve d’effluves dans le vent

Larmes peuplées d’absences
Désespoir en cru
Le temps oublie son sautoir
dans la décrue des plénitudes

Il pleut un chant d’adieu
sur ma ville
Des sons de cloches blessées
Des voix désaccordées
Des regards
Des accolades
et des noms qu’on oublie à force de boire l’épouvante

Hier le ciel crachait l’été
et je portais encore une étoile qui riait dans mes bras
hier les fleurs comme l’enfant
avaient droit de rêver
la mer comme le vent
colportaient
nos chants libres

Hier ma terre était poème
âme trempée
de tambour
réceptacle de l’aurore

Aujourd’hui toute chanson
est née
de l’arrogance des poussières
toute envie s’invente
s’enivre
du trop plein des démesures

Il pleut un chant d’adieu
sur ma ville
des rues qui s’enfuient parce qu’elles ont peur du sang
des yeux crevés de rêves
et le soleil semblable à un clochard
tourne le dos
à ses amours

Il pleut des ondes
pleurant
leur mal de vivre
des horloges accablées de débâcles imminents
puis l’enfant qui suit les convois
sans qu’il ne sache
où il va
porte déjà dans ses mains
la sépulture des matins noyés

Richardson Auguste, Voyages pour égorger la nuit, prix Amarante 2022

 


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