Littérature

Le rêve d’un Haytien, par Antoine Dupré (1782-1816)

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En rêve j’assistais dans un conseil des Dieux :
Le puissant Jupiter, ceint d’un bandeau suprême,
Ordonna ce qui suit aux monarques des cieux ;
« Immortels qui sous moi portez le diadème,
Descendez sur la terre,
Inspirez aux mortels
D’aimer l’humanité. Des humains, je suis père.
Je les fis tous égaux ; mes décrets éternels
N’admettent ni rangs, ni couleurs,
Je juge l’homme par ses mœurs. »
Il dit. Neptune et Mars, portés sur un nuage,
De l’illustre Albion abordent le rivage :
Là, le Grand Frédéric, Wilberforce, Canning
D’abord sont embrasés d’un feu pur et divin,
Là, Whitbread, Sidney Smith, Prothérose et cent autres
Sont de la liberté les glorieux Apôtres ;
Ces hommes vertueux par les dieux inspirés,
Pour les peuples d’Afrique,
Pour ceux de l’Amérique,
Pour l’univers enfin plaident les droits sacrés.
Minerve descendit aux Champs du Continent,
Et du bon Washington fut le guide prudent.
Je crus voir le fourbe Mercure.
S’envoler vers Paris,
La chose est-elle sûre ?
Non : mais par les divers écrits
Que Malquet nous lance,
Je crois en conscience

Que le Dieu des fripons est maintenant en France.
L’auguste liberté
La tendre humanité
Et le redoutable Bellonne
(Divinités sans sceptre et sans couronne)
Abandonnant du ciel les célestes palais
Furent dans Haïti se fixer pour jamais.

Cette belle et riche contrée
A des fléaux longtemps livrée
N’avait plus son premier éclat.
Cependant un auguste Sénat
Que présidait un sage
Tâchait de réparer les maux et le ravage
Que des cruels Européens,
Par leur affreuse tyrannie
Firent à la triste Patrie
Des malheureux Haïtiens.
Pétion en était le Chef et le père,
Les trois Divinités, d’une sainte ferveur,
Pénètrent ce héros, embrasant son grand cœur.
Leur main invisible et le guide et l’éclaire.

Ce vertueux mortel
Inspiré par le Ciel
Bannit de sa patrie
L’affreuse tyrannie.
Écarta l’intrigant.
Rendit nul le méchant,
Éloigna l’hypocrite,

Et dans le premier rang fit asseoir le mérite.
Ici le doux sommeil s’enfuit de ma paupière
Je revis les humains et revis leur misère.

Mais je me trouvai heureux
De voir qu’il existait des hommes vertueux,
Grâce au mortel qui régit ma patrie.
Je vois couler en paix tous les jours de ma vie.
Grâce aux sages nés dans le peuple anglais,
L’Africain désormais
En détestant un maître
Sur la terre qui le vit naître
Ne vendant plus ses fils, deviendra plus heureux.
Obligé d’être libre, il sera vertueux.
Haïtiens, croyez-vous que mon songe
Soit entièrement un mensonge ?

Réfléchissez
Et décidez.

(Antoine Dupré)

Écrit par Haïti Inter

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