De
la période esclavagiste à nos jours, le vodou s’est développé en compagnonnage
avec le catholicisme. En effet, les esclaves ont su réinterpréter et intégrer,
dans les croyances et pratiques africaines héritées des diverses régions de
l’Afrique, les éléments du catholicisme qui leur étaient imposés : calendrier
liturgique (Noël, fête des Rois, Carême, Pâques), culte des saints, cérémonies
diverses comme le baptême ou les funérailles. Le vodou se pratiquait alors
d’une manière clandestine au cœur même du catholicisme, mais aussi lors des fuites
hors des plantations et des ateliers esclavagistes, dans des camps de marrons,
lieux inaccessibles aux colons.
Entre
les années 1750 et 1791, le vodou joua un rôle offensif dans les luttes contre
l’esclavage. Des leaders issus du vodou incitèrent à la révolte et finalement,
en 1791, au cours d’une cérémonie organisée à l’abri du regard des colons, dans
une localité appelée Bois Caïman, la décision d’une insurrection générale
contre l’esclavage fut prise. Cette cérémonie réunissait des esclaves venus de plusieurs
ateliers et a été un pacte sacré noué au nom des divinités africaines pour
garder le secret de l’insurrection. Effectivement, une semaine plus tard, dans
la nuit du 22 au 23 août, de nombreuses plantations de canne à sucre et de café
et des ateliers de production du sucre furent incendiés, les esclaves se
déclarant désormais tous libres. Le vodou apparut dès lors comme un support
important d’un système symbolique qui put favoriser un véritable élan de
solidarité entre les esclaves et créer progressivement un nouveau lien social.
Héritage
reçu de l’Afrique, le vodou est un culte rendu à une pluralité de divinités
appelées saints, mystères ou en langue créole « Iwa », ces divinités se
partageant les différents domaines de la nature (l’air, l’eau, le feu) et des
activités sociales (l’agriculture, les rapports d’alliance, le culte des morts,
la guerre, etc.). Elles sont très liées entre elles et forment un riche
panthéon. Ces divinités sont censées intervenir dans la vie quotidienne de
l’individu et se manifestent dans le corps par la transe et la possession lors
de cérémonies qui ont lieu périodiquement au cours de l’année. En règle
générale, l’individu reçoit en héritage de sa famille la divinité qu’il honore
et dont il peut être « chevauché » au cours de danses exécutées au rythme des
tambours et des chants dans les temples du vodou (les ounfo).
Les cérémonies se déroulent dans un hangar (peristil),
toujours sous la direction de prêtres (appelés oungan)
ou de prêtresses (appelées mambo), qui savent par leur initiation
interpréter le langage des divinités.
Ainsi,
les lieux privilégiés de recréation d’une nouvelle organisation familiale
élargie sont les lakou, qui prennent naissance
dans les camps dans lesquels les esclaves en fuite, les marrons, se regroupaient
sous la direction d’un leader rebelle, en général le chef de plusieurs familles
et en même temps chef religieux. Une
organisation de type patriarcal se
mit alors en place, en intégrant divers apports des Indiens caraïbes (qui ont
disparu pour la plupart environ un demi-siècle après la conquête espagnole de
l’île, mais dont les survivants ont été rejoints par les premiers esclaves
marrons) et des Européens. Certains lakou sont
restés célèbres comme témoins des pratiques de marronnage des
esclaves en des lieux inaccessibles aux maîtres, mais ils ne seront vraiment
remis à l’honneur qu’après l’indépendance. Ainsi par exemple, le lakou Souvenance, très fréquenté chaque année
par de nombreux vodouisants venus de plusieurs localités du pays comme de
l’étranger, ou le lakou Soukri,
tous les deux situés au centre du pays, près des Gonaïves, ville où
l’indépendance a été proclamée en 1804. C’est depuis les camps de marrons que
s’organisèrent les luttes contre les ateliers des habitations coloniales.
Le
développement du vodou dans une relative clandestinité donne lieu à de nombreux
fantasmes sur les pouvoirs des prêtres vodou. Il y a surtout un imaginaire de
la magie et de la sorcellerie auquel on est souvent porté à assimiler le vodou.
Il reste cependant un culte qui, en particulier dans les campagnes, remplit des
tâches diverses : il favorise le lien social, mais offre aussi une série de
pratiques comme des soins paramédicaux à partir de la connaissance des plantes
médicinales ; bien plus, il est un système symbolique qui aide l’individu à
surmonter ses troubles psychologiques et à affronter les difficultés de la vie
quotidienne.
Ce fonds historique des rapports entre le catholicisme et le vodou subit de profondes modifications depuis ces trente dernières années, c’est-à-dire depuis la chute de la dictature de Duvalier, père et fils, qui a duré près de trente ans (1957-1986). L’ensemble des religions en présence en Haïti se trouve pris, en effet, dès 1986, dans la tourmente des luttes ouvertes pour la démocratisation, en vue de mettre fin aux divisions sociales criantes qui sont la marque principale de la société haïtienne depuis deux siècles.
(Source: Laënnec Hurbon, Haïti entre permanence et rupture, Ibis Rouge éditions)
Steve Michel on 14 décembre 2020
Salut,
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