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Le direct Haiti Inter, l'expérience musicale
par Guy Ferolus
Historien et intellectuel engagé, Michel Soukar est un défenseur infatigable de la dignité haïtienne et l’une des voix les plus écoutées dans le pays. Depuis Port-au-Prince où il vit, il a accepté de nous livrer ses analyses sur la grave crise que traverse Haïti depuis de nombreuses années.
Michel Soukar est connu pour son engagement passionné dans les débats publics et pour ses analyses incisives de l’histoire et de la politique haïtienne. Au cours de cet entretien exceptionnel, il partage avec nous ses réflexions sur l’état actuel de son pays et sa propre trajectoire, marquée par une quête incessante de justice et de souveraineté pour Haïti.
Né le 22 août 1955, Michel Soukar a grandi dans une famille de classe moyenne à Carrefour, une ville située près de Port-au-Prince. Dès son plus jeune âge, il développe une fascination pour l’histoire, un intérêt nourri par son père, un homme passionné par les questions politiques et historiques. Cette enfance, vécue sous la dictature de François Duvalier, fut marquée par des échanges intellectuels intenses, auxquels il assistait dès l’âge de sept ans.
Cette immersion précoce dans les réalités politiques du pays a fait naître chez Soukar une conscience aiguë des injustices sociales et une volonté inébranlable de changer les choses. Enfant d’un pays marqué par des luttes politiques violentes, il a publié ses premiers écrits à l’âge de 16 ans, entamant ainsi une carrière d’écrivain et d’historien qui allait profondément influencer le paysage intellectuel haïtien.
La dictature des Duvalier a laissé des cicatrices profondes dans la société haïtienne, et Michel Soukar n’a pas été épargné. En tant que militant, il a pris part à des actions clandestines pour résister à un régime oppressif. Ces engagements l’ont conduit à l’exil et à de multiples tentatives d’arrestation, mais jamais il n’a abandonné son combat pour une Haïti libre et souveraine.
Après 1987, estimant qu’il lui fallait approfondir sa compréhension de l’histoire et de la sociologie haïtienne, il décide de prendre du recul par rapport à l’activisme militant. Ce choix stratégique marque le début de recherches exhaustives qui allaient enrichir ses nombreux ouvrages, dont des biographies, des romans historiques et des essais.
Une analyse sans concession de la crise haïtienne
Selon Michel Soukar, la crise que traverse Haïti ne date pas d’hier. Il la qualifie de « crise historique », enracinée dans des décennies de mauvaise gestion économique et politique. Il identifie 1954 comme un point de basculement : le cyclone Hazel, la chute des prix du café et du sucre ont marqué le début d’un déclin économique sévère.
Cette détérioration s’est amplifiée sous le régime de François Duvalier, un président dont la vision racialiste et incompétente de l’économie a exacerbé les problèmes structurels du pays. Après la chute de la dictature en 1986, le pays n’a jamais réussi à résoudre ses problèmes fondamentaux. La prolifération des gangs, l’érosion des institutions étatiques et la montée du néolibéralisme ont contribué à la situation désastreuse actuelle.
Pour Soukar, ces gangs ne sont pas des acteurs anarchiques, mais les outils d’un « plan précis de destruction ». Ils ne se contentent pas de voler ou de kidnapper : ils ciblent délibérément les infrastructures vitales du pays, comme les canaux d’irrigation, les universités et les hôpitaux. Il insiste également sur le rôle des élites corrompues et de certains acteurs internationaux dans l’aggravation de la crise.
Interrogé sur son éventuelle ambition présidentielle, Michel Soukar est catégorique : le pouvoir en tant que tel ne l’intéresse pas. Pour lui, « être président » ne signifie rien si cela ne sert pas à restituer la dignité et la souveraineté au peuple haïtien. Il se considère comme un candidat, non pas à la présidence, mais à la quête collective du pouvoir par le peuple. Ce pouvoir, explique-t-il, réside dans la capacité des Haïtiens à décider de leur propre destin et à construire une nation authentiquement souveraine.
Il critique sévèrement les politiciens actuels qu’il qualifie de « bandits en cravate ». Pour Soukar, la solution ne réside pas dans la simple alternance des dirigeants, mais dans une transformation radicale des structures politiques et économiques du pays.
L’espoir : une lutte collective
Malgré l’exode massif des jeunes Haïtiens, Michel Soukar souligne qu’il existe une jeunesse déterminée à rester et à se battre pour l’avenir du pays. Cette lutte est menée à travers un travail acharné de conscientisation, d’organisation et de mobilisation. Il rend hommage à ces jeunes qui, contre vents et marées, refusent de céder au désespoir et s’engagent dans une quête de transformation durable.
Il reconnaît également l’impact des réseaux sociaux dans cette lutte, les qualifiant de « révolution du portable ». Bien qu’ils diffusent parfois de fausses informations, ils permettent aussi une circulation sans précédent de vérités qui pénètrent les coins les plus reculés du pays. Pour Soukar, cette révolution numérique est porteuse d’espoir : elle pourrait bien être l’étincelle qui déclenchera un changement profond en Haïti.
La prolifération des gangs en Haïti n’est pas le fruit du hasard. Michel Soukar explique qu’ils sont devenus les nouveaux instruments de répression et de contrôle. Leur rôle dépasse celui de simples agents du chaos. Ils participent à un plan de destruction systématique, visant à paralyser tout effort de reconstruction nationale.
Soukar dénonce également l’inaction de la police haïtienne, qu’il accuse de ne pas recevoir d’ordres pour combattre les gangs. Il estime que cette inaction est délibérée et orchestrée par des acteurs nationaux et internationaux qui ont intérêt à maintenir le statu quo.
Malgré le tableau sombre qu’il dresse, Michel Soukar croit fermement en la capacité des Haïtiens à surmonter ces épreuves. Il met en avant l’énergie et la résilience des citoyens qui, même dans les moments les plus difficiles, continuent à se battre pour leur pays.
Il conclut avec un avertissement et une promesse : « Quelque chose est en marche dans ce pays. Et ne vous étonnez pas si un jour, Haïti vous étonne. »
L’interview en vidéo:
Écrit par Guy Ferolus
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Thomas Eric on 3 décembre 2024
Haiti 🇭🇹se renaîtra de ces cendres malgré vents et marés » Haiti pap péri »