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Pompée Valentin Vastey, écrivain et acteur de la révolution haïtienne

today13 octobre 2019 1710 14 3

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    Pompée Valentin Vastey Guy Ferolus

 

Né en Haïti en 1781, Jean Louis Vastey dit Pompée Valentin Vastey est l’un des premiers écrivains haïtiens. Son père, Jean-Valentin Vastey, est un paysan normand immigré à Saint-Domingue. Sa mère, Élisabeth Dumas, une ancienne esclave affranchie, est la sœur de Marie-Cessette Dumas, mère du général Thomas Alexandre Dumas et grand-mère de l’écrivain français Alexandre Dumas.

Après leur mariage à Jérémie, les parents de Jean-Louis Vastey s’établissent dans le Nord à Ennery. On dispose peu d’informations sur la vie privée de Vastey, sinon qu’il a une fille prénommée Aricie qui sera la mère de notre barde national Oswald Durand.

Ses réflexions personnelles, à travers ses écrits, nous laissent croire qu’il s’est formé tout seul. Les écrits de cet autodidacte laissent supposer beaucoup de travail personnel et la passion des idées. Il se présente comme « un haïtien élevé sur le sommet des montagnes, au milieu des forêts », un « insulaire qui n’a jamais eu d’autres maîtres que ses livres, d’autres stimulants que la haine des tyrans ».

L’instruction était fort difficile à acquérir au lendemain de l’indépendance, les écoles étant fort rares. Vastey nous laisse à ce sujet un témoignage édifiant : « L’impérieuse nécessité a tout fait, la plupart se sont instruits par le secours des livres. J’en ai connu plusieurs qui ont appris à lire et écrire d’eux-mêmes, sans le secours des maîtres ; ils marchaient avec leurs livres à la main, ils interrogeaient les passants, sur leurs réponses s’ils savaient lire, ils leur priaient de leur dire ce que signifiait tel signe ou tel mot… Moi-même qui écris ceci, avoue-t-il, je croyais que le monde finissait là où ma vue pouvait s’étendre ; mes idées étaient tellement bornées, que les choses les plus simples m’étaient inconcevables, et tous mes compatriotes étaient aussi ignorants et même plus que je l’étais, s’il était possible de l’être davantage. »

Dès son plus jeune âge Jean Louis Vastey embrasse la cause des esclaves et s’engage dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage. A l’indépendance d’Haïti en 1804, il devient secrétaire d’André Vernet, ministre des finances de Jean Jacques Dessalines. Après l’assassinat de ce dernier, Vastey rejoint Henry Christophe qui se retire dans le nord pour fonder une nouvelle république. Peu de temps après, Christophe s’autoproclame roi d’Haïti sous le nom d’Henri 1er. Vastey sera alors élevé au rang de baron et nommé secrétaire du roi.

En 1820, les troupes de Boyer attaquent le palais royal. Christophe se suicide et Vastey est capturé. Il sera exécuté quelques jours plus tard en compagnie d’autres dignitaires.

Son œuvre

L’œuvre du Baron de Vastey est assez étendue. Certains de ses livres ont été imprimés à Sans-Souci. Malheureusement ils sont aujourd’hui quasiment introuvables : Le système colonial dévoilé (1814); Notes à Monsieur le Baron de Malouet (1814); Réflexions adressées aux Haïtiens de l’ouest et du Sud (1815); Le cri de la patrie (1815); Réflexions sur une lettre de Mazères, ex-colon Français (1816); Réflexions sur les Noirs et les Blancs (1816); Réflexions politiques sur quelques ouvrages et journaux Français concernant Hayti (1817); Essais sur les causes de la révolution et des guerres civiles d’Hayti (1819); Cri de la conscience (1819).

Ses idées

Vastey n’a pas la prétention d’être un grand écrivain. Il n’entreprend pas d’aspirer à la gloire d’être homme de lettres, mais bien d’être utile à ses compatriotes, de les éclairer, et de dévoiler sa vérité aux Européens. Les idées essentielles qui inspirent ses ouvrages sont les suivantes : Condamnation du système colonial, défense d’Haïti et de son roi.

Vastey dénonce les iniquités du système colonial. Il considère Colomb et les espagnols comme de vulgaires envahisseurs, des barbares qui ont dépouillé et massacré les Indiens.

Il condamne également l’esclavage des noirs par les colons français. Il s’en prend aux prêtres qui se sont faits les alliés de ces derniers pour mieux exploiter les esclaves. « Les prêtres, dit-il, étaient autant d’instruments payés et employés par les ex-colons pour nous tenir dans un état d’abjection, pour nous empêcher de secouer le joug de l’esclavage ; ces prêtres nous représentaient sans cesse dans leurs sermons que les blancs étaient des êtres d’une nature supérieure à la nôtre ; ils nous prêchaient le respect, la soumission, l’humanité envers les blancs. » Vastey répond aux attaques des anciens colons qui luttaient pour rétablir leur souveraineté sur Haïti. Ses écrits reflètent l’inflexibilité de Christophe en ce qui concerne le rétablissement des liens diplomatiques entre la France et Haïti. Il demande aux ex-colons de faire acte de contrition, de s’humilier devant la Providence : « Ex-colons, êtres superbes et orgueilleux, reconnaissez donc dans ce qui se passe à Haïti la main divine et toute-puissante qui vous châtie ! Humiliez-vous donc, fléchissez vos genoux, au-devant des décrets du père universel des hommes, que vous avez trop longtemps méconnus et outragés ! ». 

Défense d’Haïti

Après l’indépendance, les esclavagistes entreprennent contre Haïti une campagne de dénigrement. Vastey défend son pays contre les attaques. Mais il fait la part des choses entre les colons favorables à l’esclavage et les français qui restent fidèles aux idéaux de 1789 : « Tous les hommes naissent libres et égaux en droit ». C’est contre les premiers qu’il dirige ses critiques, alors qu’il rend hommage aux Héraults de la France révolutionnaire, « l’immortel Raynal », le « vertueux Grégoire », le « savant et généreux Bernadin de St-Pierre ». Dans ses Réflexions politiques, il s’exclame : « Pouvons-nous haïr cette révolution qui nous a tirés du néant, et réhabilité l’homme dans ses droits naturels, sacrés et imprescriptibles ? ». Dans ses Réflexions sur une lettre de Mazères, il précise : « Généreux Sismonde de Sismondi, Wilberforce, Clarkson, et vous tous Européens sensibles et vertueux, rassurez-vous, l’excès des maux que nous avons éprouvés ne peuvent nous rendre ni injustes ni ingrats ; ce n’est qu’à cette classe d’hommes féroces et barbares, ennemis du genre humain, que je puis imputer toutes nos infortunes ; c’est contre eux seuls que je dirige mes écrits. » Pour terminer, il invite les haïtiens à la vigilance afin de conserver l’héritage légué par les aïeux au prix de tant de sacrifices.

Défense du roi Christophe

Vastey répond également aux adversaires de Christophe. Il fait l’apologie de son maître. Son œuvre reflète la polémique qui opposait le Nord et l’Ouest. « Je pense qu’un souverain, tel que sa Majesté Henri 1er roi d’Haïti ! Qui a été placé sur son trône par le choix unanime et par l’amour de son peuple, qui a constamment combattu pour sa liberté et son indépendance, qui a su vaincre ses ennemis, qui règne avec sagesse et gloire, je crois, dis-je, qu’un tel souverain n’est point du tout ridicule. »

L’Afrique au centre du monde

Vastey sait s’élèver à l’histoire des civilisations. Les gaulois, dit-il, seraient peut-être encore barbares sans la conquête des Romains. Une civilisation plus avancée tire l’autre. En lieu et place de la France, il souhaite que ce soit l’Angleterre le meilleur allié de l’Afrique. Dans ses Réflexions sur une lettre de Mazères, Vastey croit que l’Afrique « réchauffée et rajeunie » peut recueillir assez de forces et de facultés pour occuper la scène du monde alors que « la vieille Europe blasée par des siècles de lumière et de civilisation retournera dans la barbarie, dans l’état de nature et d’ignorance. »

Anténor Firmin reprendra la même idée dans De L’Egalité des races Humaines (1885), Juste Chanlatte également se réfère à l’Angleterre, « la nation européenne qui la première a aboli la Traite ». Ces appels à l’Angleterre s’expliquent aussi par le souci d’assurer un soutien extérieur au trône de Christophe. Le roi lui-même n’écrivait-il pas, dans une lettre à Wilberforce datée du 18 Novembre 1816 : « Je suis pénétré et je sens la nécessité de changer ce que les manières et les habitudes de mes concitoyens peuvent encore conserver de semblable à celles des français et de les modeler sur les manières et les habitudes anglaises ; la culture de la littérature anglaise dans nos écoles, dans nos collèges, fera prédominer enfin, je l’espère, la langue anglaise sur la française ; c’est le seul moyen de conserver notre indépendance, que de n’avoir absolument rien de commun avec une nation dont nous avons tant à nous plaindre, et dont les projets ne tendent qu’à notre destruction. »

Extraits du Système colonial dévoilé :

« Partout où je porte mes pas, où je fixe mes regards, je vois des débris de vases, des ustensiles, des figures qui portent dans leurs formes l’empreinte de l’enfance de l’art, plus loin, dans les lieux écartés et solitaires, dans les cavernes des montagnes inaccessibles, je découvre en frémissant des squelettes encore tout entiers, des ossements humains épars et blanchis par le temps ; en arrêtant mes pensées sur ces tristes restes, sur ces débris qui attestent l’existence d’un peuple qui n’est plus, mon cœur s’émeut, je répands des larmes de compassion et d’attendrissement sur le malheureux sort des premiers habitants de cette île ! Mille souvenirs déchirants viennent assiéger mon cœur, une foule de réflexions absorbent mes pensées et se succèdent rapidement, il existait donc ici avant nous des hommes ! Ils ont été détruits ! Qu’avaient-ils fait pour éprouver un aussi funeste sort ? Il a donc passé là une race d’hommes exterminateurs ? Ces malheureux n’avaient-ils donc point d’armes ? Ils ne pouvaient donc point se défendre ? A cette pensée, je saisis mes armes, et je rends grâce au ciel d’avoir mis dans nos mains l’instrument de notre délivrance et de notre conservation. Ô armes précieuses ! sans vous que serait devenu mon pays, mes parents, mes amis ; dès ce moment, je considère mes armes comme le plus grand de tous les biens. »

Guy Ferolus

Écrit par Guy Ferolus

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